Il existe une période de transition naturelle lorsque les athlètes d’un sport de haut niveau terminent leur participation à des Jeux olympiques. Pour les athlètes qui ont représenté le Canada en natation artistique aux Jeux de Tokyo, il s’agissait de l’aboutissement de plus de cinq ans de planification, au lieu du cycle quadriennal habituel. Les Jeux de 2020 ayant été reportés d’un an en raison de la pandémie mondiale de Covid-19, ils ont également présenté un cycle de planification inhabituel, ramenant de quatre à trois ans le temps de préparation des prochains Jeux olympiques, qui se tiendront à Paris, en France, à l’été 2024.

L’entraineur-chef du Canada, Gàbor Szauder, a élaboré un plan pour préparer le prochain groupe d’athlètes à compétitionner à Paris. Ce plan doit être suffisamment flexible pour s’adapter aux changements apportés au calendrier des Séries mondiales de natation artistique de la FINA, ainsi qu’à celui des Championnats du monde de la FINA. Tous deux ont été affectés par des événements mondiaux, avec non seulement des changements dans les pays hôtes, mais aussi dans la période de l’année où ils auront lieu.

  1. Szauder a accueilli ces changements avec confiance, car il considère le développement de l’équipe comme un processus. « Le sport de la natation artistique est en plein changement. Auparavant, nous ne voyions les équipes que lorsqu’elles s’étaient vraiment beaucoup entrainées, avant de dévoiler leurs routines comme parfaites. Notre approche consiste à apprécier une amélioration continue d’une compétition à l’autre. »

Par exemple, l’équipe canadienne a participé à l’épreuve des Séries mondiales virtuelles de natation artistique de la FINA qui sera webdiffusée les 19 et 20 mars. Avec seulement quatre semaines d’entrainement avant que la routine ne doive être enregistrée et soumise au jugement, il sait que son équipe est déjà bien au-delà de ce que les téléspectateurs verront lors de la diffusion.

« Je suis très fier de la façon dont nos athlètes se sont comportées lors de l’enregistrement des épreuves virtuelles. Je sais que je serai satisfait des scores que nous recevrons, car dans un autre mois, nos scores seront plus élevés, et après quatre mois, ils le seront encore plus », a-t-il déclaré. « Les athlètes comprennent que la natation artistique est progressive. Nous ne pouvons pas regrouper de nouvelles athlètes ensemble dans la piscine, et immédiatement s’attendre à ce qu’elles puissent réaliser des performances au même niveau que l’équipe olympique.  Mais après deux ans d’entrainement ensemble, elles le seront! »

M. Gàbor s’est récemment entretenu avec Barb MacDonald, consultante en communication de NAC, qui lui a demandé de décrire l’entrainement des athlètes seniors jusqu’à présent, de décrire les prochaines étapes de la préparation du Canada pour cette saison et de parler de la préparation pour Paris 2024.

Que s’est-il passé depuis la compétition à Tokyo l’été dernier?

On doit toujours donner le plus grand repos possible après les Jeux olympiques. C’est le sommet de la carrière de chaque athlète. Toutes celles qui ont participé au travail pour arriver aux Jeux olympiques avaient besoin de se reposer. Même si les athlètes ont déclaré qu’elles voulaient continuer, il faut qu’elles se reposent et qu’elles récupèrent tant sur le plan émotionnel que physique. Sinon, ce serait trop.  De plus, les athlètes ont besoin de temps pour décider des prochaines étapes de leurs études et de leur vie.

Comment avez-vous procédé pour sélectionner le prochain groupe d’athlètes de l’équipe nationale?

L’automne dernier, la situation du Canada était assez différente de celle d’ailleurs dans le monde, avec toutes les diverses restrictions liées à la COVID-19 dans le pays. Nous avons donc organisé quatre camps de développement et d’audition différents à travers le pays (Colombie-Britannique, Saskatchewan, Ontario et Québec), puis nous avons invité les athlètes à Montréal pour une autre semaine de camp avant de finaliser la sélection.

Comment les restrictions imposées liées à la Covid-19 ont-elles affecté la capacité des athlètes à s’entrainer avant les camps de sélection?

Le Canada avait certaines des restrictions COVID-19 les plus sévères au monde. Il y a plusieurs choses que l’on peut faire avec l’entrainement à sec. Nous pouvons entretenir notre cardio, notre force et notre souplesse, mais ce n’est pas la même chose que d’être dans la piscine. Et puis, quand nous pouvons retourner dans la piscine, il est impossible de faire des choses comme des poussées acrobatiques quand on ne peut pas s’ approcher à moins de deux mètres les uns des autres. Nous sommes en retard en raison de ces restrictions, mais nous avons un plan d’entrainement très cohérent pour arriver là où nous voulons être.

Sur quoi allez-vous vous concentrer en premier?

Lors de la préparation pour Tokyo, nous avions déjà choisi une direction technique différente de celle des autres pays. Nous avons décidé de développer notre athlétisme et d’essayer de dépasser nos adversaires par nos compétences physiques. Je pense que cela a été très visible aux Jeux olympiques que nous étions l’équipe la plus préparée physiquement. Et avec l’Ukraine, nous avions les poussées acrobatiques les plus difficiles et les plus élevées. Il faut une force et une coordination incroyables pour les réaliser. Donc, la première chose que nous allons faire maintenant est de renforcer notre endurance physique pour arriver au même endroit avec la nouvelle équipe.

Il y a plusieurs autres priorités pour notre équipe, dans l’eau et hors de l’eau.  Nous devrions nous rencontrer à nouveau, ou vous devriez parler avec mes collègues pour en savoir plus sur ces plans également.  Il y a beaucoup de travail important en cours au sein de NAC concernant l’intégration des athlètes, l’environnement d’entrainement et la culture d’équipe.

Pourquoi est-il si important de renforcer les capacités physiques?

Je pense que c’est l’avenir de ce sport et que c’est ce qui ouvre l’environnement de la compétition. On a besoin d’une puissance explosive pour créer des poussées dynamiques. On acquiert cette capacité en s’entrainant à sec. C’est comme s’entrainer à l’haltérophilie, où l’arraché est un mouvement avec une puissance explosive. Du point de vue biomécanique, c’est presque le même mouvement, c’est pourquoi nous travaillons presque 40 % de notre temps en salle.

Avez-vous changé vos routines pour cette année?

Nous avons gardé les deux routines de l’équipe olympique pour compétitionner cette année.  Nous avons commencé à travailler en janvier, il aurait donc été inutile d’essayer de construire rapidement deux nouvelles routines pour un Championnat du monde, surtout lorsque nous n’étions pas certains de ce qui se passait. Et en tant que routines olympiques, elles sont très difficiles. De plus, avec le nouveau système de jugement, il n’était pas logique de créer de nouvelles routines avant de savoir quels changements de règles seront mis en place et quand.

Que verront les gens lors de votre première compétition?

Avec seulement quatre semaines pour se préparer, nous avons gardé les choses simples. C’est ce que j’ai choisi, et cela a fonctionné. Il n’aurait pas été responsable d’essayer des poussées acrobatiques plus compliquées par exemple. Nous ajouterons des difficultés au fur et à mesure que nous aurons plus de temps pour nous entrainer ensemble. Évidemment, nous allons nous améliorer, et nous attendons des officiels qu’ils remarquent que nous progressons continuellement d’une compétition à l’autre et que ce que nous montrons avec un mois d’entrainement n’est pas là où nous en serons après cinq mois. Pour moi, c’est ça le sport. C’est un processus et il faut être courageux pour montrer chaque partie du processus.

Qu’en est-il de la routine acrobatique?

Nous avons une nouvelle routine pour les épreuves de la FINA, chorégraphiée par Denise Sauvé. Nous avons pris le meilleur de notre routine acrobatique des olympiques et créé une routine compétitive. Nous travaillons avec un entraineur acrobatique expert, Luc Belhumeur, qui vient du ski acrobatique. L’un de nos objectifs à long terme est de développer davantage de voltigeuses dotées de compétences acrobatiques. C’est un autre domaine dans lequel l’Ukraine et le Canada relèvent le niveau de difficulté de ce sport.

Comment l’équipe olympique de 2020 est-elle restée en contact avec le centre d’entraînement?

Je pense que c’est la première fois qu’autant d’olympiennes restent impliquées après les Jeux. Sur les neuf athlètes olympiques, sept participent encore d’une manière ou d’une autre. Trois d’entre elles participent encore à des compétitions avec l’équipe, tandis que d’autres apportent leur aide en tant qu’entraineures, mentors ou viennent nager. Cela a été très bénéfique pour les autres athlètes qui participent au programme de haute performance.

Quel est votre rôle en tant qu’entraineur-chef?

Mon travail consiste à créer le plan – et pour l’instant, j’ai travaillé à rebours à partir des Jeux panaméricains de 2023 au Chili (qui sont traditionnellement l’événement de qualification). C’est notre premier objectif d’étape. Je dois diriger l’équipe du personnel pour qu’elle remplisse ses fonctions, afin de maintenir le calme dans tout l’environnement et de donner une progression très logique au projet, en le construisant brique par brique, et de tenir tout le monde au courant du temps et du travail nécessaires. Je m’assure également que nous respectons les règles écrites du sport, et que nous ne tombons pas dans la tentation de plaire à une certaine esthétique qui est impossible à atteindre. C’est l’approche que nous adoptons en vue de Paris, et je pense également que le nouveau système d’évaluation de jugement (qui devrait être mis en place d’ici 2024) y contribuera.

Notes

L’équipe canadienne se rendra à Paris en avril pour la prochaine épreuve de la Série mondiale de natation artistique de la FINA, puis à la Super finale de la série mondiale de natation artistique de la FINA prévue en Grèce du 20 au 22 mai, suivie des épreuves de natation artistique aux Championnats du monde de la FINA à Budapest du 18 au 25 juin.

Malgré l’incertitude persistante, l’organisation s’engage à fournir un environnement d’entrainement stable, positif et ciblé, capable de surmonter les défis qui se présentent à l’équipe. Ce plan à long terme a été mis en place et ce sera excitant de le voir se dévoiler, comme le dit l’entraineur Szauder, brique par brique.